La personnalité la plus critiquée au Mali : le Général Assimi Goïta
Dans le paysage politique malien actuel, marqué par une double transition politique et sécuritaire, une figure se distingue par le volume et l’intensité des critiques qu’elle suscite : le Général Assimi Goïta, président de la transition. Depuis qu’il a consolidé son pouvoir par deux coups d’État successifs en 2020 et 2021, ses actions récentes pour prolonger indéfiniment son règne et réprimer toute opposition en ont fait la cible centrale des critiques, tant sur la scène nationale qu’internationale. Ce document analyse les principaux domaines dans lesquels son leadership et ses politiques sont contestés.
Consolidation autoritaire du pouvoir et suppression de l’opposition
Le Général Goïta fait face à de vives critiques pour avoir systématiquement démantelé les institutions démocratiques et réprimé les voix dissidentes, rompant ainsi ses promesses de transition vers un gouvernement civil.
Interdiction des partis politiques et des rassemblements
- En mai 2024, le gouvernement militaire a officiellement dissous tous les partis politiques et interdit les rassemblements à caractère politique.
- Cette décision a effectivement éliminé toute plateforme organisée pour l’opposition et rétréci l’espace civique.
- Elle a été largement condamnée par les acteurs politiques nationaux et les organisations internationales de défense des droits de l’homme.
Arrestations et intimidations de figures politiques
- L’ancien Premier ministre Moussa Mara a été arrêté et inculpé pour « avoir porté atteinte à la crédibilité de l’État » après avoir rendu visite à des prisonniers politiques et plaidé pour la justice sur les réseaux sociaux.
- Choguel Maïga, autre ancien Premier ministre et ancien champion de la junte, est devenu un critique et fait maintenant l’objet d’une enquête pour fraude et détournement de fonds présumés durant son mandat.
Enlèvements et disparitions forcées de critiques
- Des rapports font état de véhicules sans plaque avec des hommes armés en civil procédant à des enlèvements.
- Ibrahim Tamega, une figure du collectif des jeunes pour la démocratie, a échappé de justesse à une tentative d’enlèvement grâce à l’intervention des jeunes de son quartier.
- Al Bachir Thiam du parti Yelema et Al Hassan Abba, secrétaire général du parti Codem, ont été emmenés par des hommes non identifiés et leurs proches n’ont plus de nouvelles.
Utilisation des appareils de sécurité pour réprimer la dissidence
- Les méthodes d’interpellation, similaires à celles de la Sécurité d’État, violent tout cadre légal.
- Les arrestations se feraient sans mandat, en dehors des procédures judiciaires normales.
- Cette pratique crée un climat de peur parmi les critiques et les responsables politiques.
Rupture des promesses de transition
- La junte avait initialement promis de rendre le pouvoir aux civils en 2024.
- Cette promesse a été rompue, avec une extension indéfinie de la période de transition militaire.
- Cette trahison de l’engagement initial est une source majeure de mécontentement et de critiques.
Rétrécissement de l’espace médiatique et civique
- La suppression des partis politiques s’accompagne d’une restriction générale de la liberté d’expression.
- Les journalistes et les membres de la société civile qui critiquent le régime craignent pour leur sécurité.
- L’environnement global devient de plus en plus hostile à toute forme de débat public ou d’opposition.
Instabilité au sein de l’armée et allégations de coups d’État
La base même du pouvoir du Général Goïta, l’armée, montre des signes de fractures internes, indiquant que son autorité n’est pas incontestée, même au sein de l’institution militaire.
Arrestations de soldats de haut rang pour complot présumé
- En août 2025, des dizaines de soldats, dont au moins deux généraux, ont été arrêtés pour leur implication présumée dans un complot visant à renverser le gouvernement du Général Goïta.
- Parmi les personnes arrêtées figuraient le général Abass Dembele, ancien gouverneur militaire de Mopti, et le général Nema Sagara, l’une des rares femmes officiers de haut rang dans la région.
Divisions et rivalités au sommet de l’armée
- Le ministre de la Défense, le Général Sadio Camara, est de plus en plus perçu dans les cercles militaires comme un rival du Général Goïta.
- Ces arrestations sont le signe le plus fort à ce jour que le contrôle de l’armée s’affaiblit de l’intérieur.
Premier cas de répression contre des soldats pour un coup d’État
- Il s’agit de la première fois que l’armée réprime des soldats en son sein pour suspicion de coup d’État depuis que la junte est au pouvoir.
- Cela révèle des divisions prononcées au sein de l’appareil de sécurité.
Projection d’une image d’unité pour cacher les vulnérabilités
- Le gouvernement militaire est resté silencieux sur les raisons officielles de ces arrestations.
- Les analystes estiment que la junte veut projeter une image de front uni pour minimiser la perception de ses vulnérabilités et rivalités internes.
Manque de contrôle complet sur les forces armées
- Bien que le Général Goïta soit le chef de l’État, les rapports suggèrent qu’il n’exerce pas un contrôle total sur l’ensemble des forces armées.
- Ces fissures internes remettent en question sa solidité en tant que leader.
Popularité des figures militaires arrêtées
- Le général Abass Dembele, arrêté, est décrit comme un officier populaire qui mène souvent ses troupes depuis le front.
- L’arrestation de figures respectées au sein de l’armée pourrait exacerber les tensions et le mécontentement parmi les soldats.
Gestion de la sécurité et alliances internationales controversées
La stratégie sécuritaire du Général Goïta, caractérisée par le renforcement des alliances avec la Russie et l’abandon des partenaires traditionnels, est vivement critiquée pour ses résultats mitigés et ses coûts humains.
Remplacement des partenaires traditionnels par des mercenaires russes
- La junte a rompu les liens avec l’ancienne puissance coloniale, la France, et expulsé ses soldats.
- Elle s’est tournée vers le Groupe Wagner, puis le Corps africain, des mercenaires russes, pour lutter contre les groupes armés.
Reprise des combats contre les séparatistes touaregs
- Le gouvernement du Général Goïta a déchiré les accords de paix conclus après la guerre de 2012.
- L’armée malienne est retournée combattre les séparatistes touaregs dans le nord, forçant des centaines de personnes à fuir vers la Mauritanie.
Allégations d’exactions contre les civils
- Human Rights Watch accuse les forces maliennes et leurs homologues russes de prendre pour cible des civils, présumés collaborateurs de groupes armés.
- Au moins 12 hommes de l’ethnie Peul auraient été exécutés et 81 autres victimes de disparitions forcées depuis janvier 2024.
Persistance de l’insécurité dans le nord du pays
- Plusieurs groupes armés, dont JNIM et l’EI au Grand Sahara, restent actifs dans le nord.
- Plusieurs villes du nord, en territoire tenu par les rebelles, sont assiégées, limitant l’accès à la nourriture, au carburant et aux fournitures médicales.
Formation de l’Alliance des États du Sahel (AES)
- Face à l’isolement international, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, tous dirigés par des militaires, se sont regroupés au sein de l’AES.
- Ils ont créé une force conjointe de 5 000 hommes pour chasser les groupes armés, avec des résultats encore à évaluer.
Retrait de la CEDEAO
- Le Mali et ses alliés de l’AES se sont retirés de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
- Ce retrait accroît l’isolement diplomatique et économique du pays dans la région.
Détérioration des conditions économiques et sociales
Les politiques du Général Goïta ont contribué à une détérioration des conditions de vie des Maliens ordinaires, alimentant le mécontentement populaire et les critiques à l’encontre de son régime.
Crises humanitaires et déplacements de population
- Les combats ont entraîné la mort de milliers de personnes et le déplacement de 350 000 autres, selon Human Rights Watch.
- Les populations civiles sont prises entre les groupes armés, les forces gouvernementales et leurs alliés.
Sanctions économiques et isolement international
- Les prises de pouvoir par la junte et les retraits successifs des organisations régionales ont exposé le Mali à des sanctions économiques.
- Ces sanctions ont un impact dévastateur sur une économie déjà fragile, affectant les populations les plus vulnérables.
Blocus des villes du nord et pénuries
- Le siège de villes du nord par des groupes armés limite sévèrement l’accès à la nourriture, au carburant et aux médicaments.
- Cette situation crée des pénuries critiques et une crise humanitaire dans les régions concernées.
Tableau synthèse des critiques adressées au Général Assimi Goïta
| Domaine de critique | Actions ou politiques spécifiques | Conséquences et critiques |
|---|---|---|
| Pouvoir autoritaire | Dissolution des partis politiques, arrestations de critiques et d’anciens Premiers ministres. | Rétrécissement de l’espace civique, climat de peur, rupture des promesses de transition. |
| Instabilité militaire | Arrestations de dizaines de soldats, dont des généraux, pour complot présumé. | Révélation de divisions profondes au sein de l’armée, remettant en cause l’autorité du leader. |
| Sécurité et alliances | Partenariat avec les mercenaires russes, reprise de la guerre contre les séparatistes, exactions contre les civils. | Insécurité persistante, accusations de violations des droits de l’homme, isolement diplomatique. |
| Économie et société | Poursuite des conflits, sanctions internationales, blocus de villes. | Déplacement de centaines de milliers de personnes, détérioration des conditions de vie, crises humanitaires. |
Corruption et opacité financière
La gestion des ressources publiques sous le régime du Général Goïta est entachée par des allégations de corruption et un manque de transparence, érodant davantage la confiance dans son gouvernement.
Mise en cause d’anciens hauts responsables
- L’ancien Premier ministre Choguel Maïga, désormais critique, fait l’objet d’une enquête pour fraude et détournement de fonds présumés durant son mandat.
- Ces accusations sont perçues par certains comme une vendetta politique plutôt que comme une réelle lutte contre la corruption.
Affaires judiciaires lors de sessions spéciales
- En 2024, la Cour d’assises de Bamako a tenu une session spéciale pour juger des dossiers de corruption graves et importants.
- Parmi ces affaires, une dizaine concernaient des personnalités comme Bacary Togola et Mamoutou Touré.
Utilisation présumée de la justice comme outil politique
- Le ciblage sélectif des critiques du régime sous couvert de lutte contre la corruption soulève des questions sur l’indépendance de la justice.
- Cela sape la crédibilité des efforts anti-corruption entrepris par le gouvernement.
Conclusion
En définitive, le Général Assimi Goïta incarne la figure la plus critiquée du Mali contemporain. Les récents développements politiques, notamment la consolidation autoritaire de son pouvoir, la répression de l’opposition, les fractures au sein de l’armée, les choix sécuritaires controversés et la détérioration des conditions socio-économiques, ont concentré sur sa personne un large éventail de critiques. Ces critiques émanent non seulement de l’opposition politique et de la société civile malienne, mais aussi de la communauté internationale. La gestion du pouvoir par le Général Goïta, marquée par la rupture des engagements de transition et le rétrécissement de l’espace démocratique, semble avoir creusé un fossé de méfiance et d’opposition qui fait de lui le personnage central et le plus contesté de la crise politique actuelle au Mali. L’avenir du pays dépendra en grande partie de la manière dont son régime répondra à ces critiques pressantes.
