Quel film burkinabè a eu le plus de succès ?

Si l’on combine ces critères, un film se détache incontestablement : « Zan Boko » (1988) de Gaston Kaboré. Il est considéré comme l’œuvre la plus aboutie et la plus influente du cinéma burkinabè.

Introduction : Le Burkina Faso, un géant du cinéma en Afrique

Avant d’identifier le film le plus « succès », il est crucial de comprendre le contexte. Le Burkina Faso, et notamment son festival FESPACO (Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou), est la capitale incontestée du cinéma en Afrique subsaharienne. Ici, le succès d’un film est intrinsèquement lié à sa capacité à raconter des histoires authentiques, à porter un message social et à affirmer une identité culturelle face aux productions étrangères. C’est dans ce cadre que le succès de « Zan Boko » doit être évalué.

Le Succès Ultime : « Zan Boko » (1988) de Gaston Kaboré

Zan Boko (qui signifie « le lieu où le placenta est enterré », symbolisant l’origine, l’identité et l’enracinement) n’est pas seulement un film ; c’est un phénomène culturel et un pilier du cinéma africain.

1. Succès Critique et Récompenses Internationales

Dès sa sortie, « Zan Boko » a été salué par la critique internationale. Il a remporté des prix dans des festivals majeurs, établissant la réputation de Gaston Kaboré et du cinéma burkinabè sur la scène mondiale. Parmi ses distinctions les plus prestigieuses :

  • Prix du Jury au Festival de Cannes (1989) dans la section « Perspectives du Cinéma Français ». Cette reconnaissance à Cannes, temple du cinéma mondial, lui a offert une visibilité sans précédent.
  • Étalon de Yenenga au FESPACO (1989). C’est la plus haute distinction du festival le plus important d’Afrique. Gagner l’Étalon n’est pas seulement une récompense ; c’est une consécration qui place le film dans le panthéon du cinéma panafricain.

2. Succès Thématique et Impact Sociétal

Le film aborde un thème d’une profonde actualité : le choc entre la modernité urbaine et les traditions ancestrales. Il raconte l’histoire de Tinga, un paysan dont le champ familial (le « Zan Boko ») est convoité par un promoteur immobilier et un homme politique pour y construire une villa.

  • Argument Solide : « Zan Boko » a su capturer l’essence d’un dilemme africain contemporain avec une justesse et une poésie rares. Il n’oppose pas simplement « le bien » (la tradition) et « le mal » (la modernité), mais il montre la complexité et la violence symbolique de cette confrontation. Le film est devenu une référence dans les débats sur l’urbanisation sauvage, la préservation des cultures et la résistance des communautés.

3. Succès Esthétique et de Longévité

Gaston Kaboré a développé un style cinématographique unique, souvent qualifié de « calme et contemplatif », qui privilégie le plan-séquence et laisse la place aux silences et aux non-dits. Cette esthétique permet au spectateur de s’imprégner de l’univers des personnages et de la gravité de leur situation.

  • Argument Solide : Près de 35 ans après sa sortie, « Zan Boko » est toujours étudié dans les universités du monde entier comme un chef-d’œuvre du cinéma post-colonial. Il n’a pas pris une ride et son message reste d’une brûlante actualité. Cette longévité est un marqueur de succès indéniable.

Autres Prétendants Majeurs au Titre de « Succès »

Pour bien comprendre la place de « Zan Boko », il est essentiel de le comparer à d’autres films fondamentaux du Burkina Faso, qui ont chacun connu un immense succès selon des critères spécifiques.

1. « Wend Kuuni » (1982) de Gaston Kaboré – Le Succès Fondateur

  • Nature du Succès : « Wend Kuuni » (Le Don de Dieu) est le film qui a véritablement lancé le cinéma burkinabè sur la scène internationale. Avant lui, peu de films africains avaient atteint une telle notoriété.
  • Arguments :
    • Rupture esthétique : Il a brisé les codes narratifs du cinéma occidental en adoptant un rythme et une structure proches du conte oral africain.
    • Reconstitution historique : Le film se déroule dans le Burkina Faso pré-colonial, offrant une image digne et autonome de l’Afrique, loin des clichés coloniaux.
    • Impact : Il a prouvé qu’un cinéma africain authentique, fait par des Africains pour les Africains, était possible et pouvait être universel. C’est un succès de pionnier.

2. « Yaaba » (1989) de Idrissa Ouédraogo – Le Succès International

  • Nature du Succès : « Yaaba » (Grand-mère) est probablement le film burkinabè le plus connu du grand public international, notamment en Europe.
  • Arguments :
    • Prix à Cannes : Il a été sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes (section « Un Certain Regard »), une consécration rarissime pour un film africain à l’époque.
    • Universalité du thème : Son histoire d’amitié entre deux enfants et une vieille femme marginalisée parle un langage universel, ce qui lui a valu un accueil chaleureux dans le monde entier.
    • Esthétique épurée : Le style minimaliste et humaniste d’Idrissa Ouédraogo a été comparé à celui de grands cinéastes comme Satyajit Ray.

3. « Tilaï » (1990) de Idrissa Ouédraogo – Le Succès Consacré

  • Nature du Succès : « Tilaï » (La Loi) représente l’apogée de la reconnaissance internationale pour le cinéma burkinabè.
  • Arguments :
    • Grand Prix du Jury à Cannes : C’est la plus haute distinction jamais obtenue par un film burkinabè à Cannes. Ce prix a propulsé Idrissa Ouédraogo au rang de cinéaste mondial.
    • Étalon de Yenenga au FESPACO (1991). La même année, il remporte aussi le grand prix du FESPACO, réalisant un doublé historique.
    • Tragédie universelle : Le film, une tragédie inspirée de la tradition, explore des thèmes universels comme l’honneur, l’interdit et la rébellion, avec une force dramatique exceptionnelle.

Analyse Comparative et Conclusion sur le « Plus Grand Succès »

  • « Wend Kuuni » est le succès fondateur et historique.
  • « Yaaba » et « Tilaï » sont les succès internationaux et consécrateurs.
  • « Zan Boko » est le succès total : à la fois critique, sociétal, esthétique et durable.

Si « Tilaï » a peut-être atteint des sommets de reconnaissance plus élevés à Cannes, « Zan Boko » a une portée plus profonde et plus large. Il est non seulement un chef-d’œuvre artistique et un film primé, mais il est aussi devenu un outil de réflexion sociale et politique au Burkina Faso et au-delà. Son titre est devenu un concept utilisé pour parler d’identité et d’enracinement.

Conclusion

En définitive, le film burkinabè ayant connu le plus de succès est « Zan Boko » de Gaston Kaboré. Son succès réside dans la synthèse parfaite qu’il opère : il est à la fois une œuvre d’art acclamée (prix à Cannes et au FESPACO), un film au message social puissant et durable, et une pierre angulaire de l’identité cinématographique burkinabè. Il dépasse le simple cadre du divertissement pour devenir un acte culturel et politique, incarnant la mission que le Burkina Faso s’est donnée à travers le FESPACO : forger des images pour dire l’Afrique, par les Africains eux-mêmes. Les autres films mentionnés sont des succès monumentaux, mais « Zan Boko » représente l’apogée en termes d’influence globale et de pérennité.

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