L’essor des réseaux sociaux a vu naître une nouvelle génération d’influenceurs tunisiens se spécialisant dans les conseils financiers, promettant autonomie et réussite. Des noms comme Aya, Rabeb Hosny ou Jasmine Chtourou émergent avec des audiences de plusieurs dizaines de milliers de followers[citation:1][citation:2]. Cependant, cet écosystème est aussi traversé par des risques, comme en témoignent les récentes condamnations d’autres créateurs de contenus pour des raisons liées à la moralité publique[citation:3]. Pour les jeunes Tunisiens, suivre ces conseils requiert donc une approche à la fois enthousiaste et extrêmement critique, structurée et avisée, pour transformer l’inspiration en action concrète et sécurisée.
Argument 1 : Vérifier méthodiquement la crédibilité et l’expertise de l’influenceur
Avant de suivre un quelconque conseil, il est impératif d’évaluer qui le dispense. La finance est un domaine sensible où l’amateurisme peut coûter cher. Il ne suffit pas d’avoir un grand nombre d’abonnés ; il faut rechercher des preuves tangibles de compétence, de transparence et de sérieux. Un bon influenceur éducatif doit documenter ses sources, expliquer ses raisonnements et reconnaître les limites de ses connaissances, plutôt que de présenter des solutions toutes faites.
Exemples de critères d’évaluation et d’influenceurs à étudier :
- — Examiner les qualifications affichées : l’influenceur a-t-il une formation académique en économie, finance ou comptabilité ? Ou une certification professionnelle reconnue ?
- — Analyser son parcours professionnel : partage-t-il une expérience vérifiable dans le secteur bancaire, la gestion d’actifs ou l’entreprenariat ?
- — Observer la transparence : est-il clair sur ses potentielles collaborations commerciales (sponsoring, placements de produits) qui pourraient biaiser ses recommandations ?
- — Vérifier la cohérence et la profondeur de ses conseils : ses publications offrent-elles un contenu éducatif structuré ou se limitent-elles à des aphorismes motivationnels ?
- — Mesurer l’engagement qualitatif : répond-il aux questions de son audience avec sérieux et reconnaît-il ses erreurs éventuelles ?
- — Étudier sa réputation hors ligne : est-il cité ou intervenant dans des événements professionnels légitimes, comme ceux organisés par des accélérateurs de startups reconnus[citation:4] ?
Des plateformes comme Hiveinfluence listent des influenceurs par niche et donnent des indicateurs comme le taux d’engagement, qui peut être un premier filtre (ex: Sarra Khraïef affiche un taux d’engagement de 5.76%[citation:1], signe d’une communauté peut-être plus active et attentive).
Argument 2 : Diversifier systématiquement ses sources d’information et de formation
S’en remettre à une seule voix, aussi crédible soit-elle, est un risque. La diversification des sources permet de croiser les points de vue, de nuancer les conseils et de se construire une culture financière solide et équilibrée. Cela permet également de distinguer les tendances générales des opinions personnelles.
Exemples de sources complémentaires à explorer :
- — Suivre plusieurs influenceurs tunisiens aux approches différentes (ex: comparer les contenus de Rabeb Hosny[1.04% d’engagement[citation:2] avec ceux d’Aya ou de Jasmine Chtourou[citation:1]).
- — Consulter les publications d’institutions financières tunisiennes officielles (banques centrales, établissements bancaires) sur leurs canaux éducatifs.
- — S’abonner à des médias économiques tunisiens et internationaux reconnus pour leurs analyses.
- — Lire des livres fondamentaux sur la finance personnelle, disponibles dans les bibliothèques ou les librairies en ligne.
- — S’inscrire à des cours en ligne gratuits ou certifiants (MOOCs) offerts par des universités sur des plateformes comme Coursera ou edX.
- — Participer à des webinaires et ateliers éducatifs gratuits, comme ceux régulièrement organisés par des structures telles que le Founder Institute en Tunisie, qui bien que focalisé sur l’entreprenariat, aborde des sujets financiers fondamentaux[citation:4].
Argument 3 : Recouper et vérifier toute information auprès de sources officielles
Un conseil entendu sur les réseaux sociaux ne doit jamais être pris pour argent comptant. La vérification auprès de sources institutionnelles, juridiques ou réglementaires est une étape non négociable pour éviter les désinformations coûteuses, surtout dans un contexte où la régulation des contenus en ligne peut être stricte, comme le montre l’affaire récente des influenceurs condamnés[citation:3].
Exemples de sources de vérification et de recoupement :
- — Pour un conseil fiscal : consulter directement le site du Ministère des Finances tunisien ou celui de l’Administration Fiscale.
- — Pour un produit d’épargne ou d’investissement : se rendre sur le site de la banque ou de l’institution financière concernée pour lire les documents contractuels officiels.
- — Pour la réglementation boursière : vérifier les informations sur le site de la Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis (BVMT) ou du Conseil du Marché Financier (CMF).
- — Pour les questions de droit des affaires ou du travail : se référer aux textes de loi publiés sur les portails juridiques officiels.
- — En cas de doute sur une offre d’investissement : contacter l’Instance de contrôle pour vérifier son agrément.
- — Utiliser les rapports et études économiques publiés par des organisations internationales présentes en Tunisie (Banque Mondiale, FMI) pour contextualiser des analyses macroéconomiques.
Argument 4 : Adapter et personnaliser strictement les conseils à sa situation propre
Un conseil financier est personnel par nature. Ce qui fonctionne pour un influenceur ou un autre follower peut être inadapté, voire dangereux, pour votre situation. Une discipline de réflexion personnelle est nécessaire avant toute mise en application.
Exemples de facteurs personnels à analyser avant d’agir :
- — État précis de ses finances : évaluer ses revenus stables, ses dépenses obligatoires, son niveau d’endettement et son épargne de précaution.
- — Objectifs financiers et horizon temporel : distinguer un objectif à court terme (acheter une voiture) d’un objectif à long terme (préparer sa retraite).
- — Tolérance personnelle au risque : être honnête avec soi-même sur sa capacité à supporter les fluctuations et pertes potentielles sur des investissements.
- — Situation familiale et projets de vie : les décisions financières impactent l’entourage et doivent être prises en conséquence.
- — Connaissances techniques actuelles : ne pas investir dans un produit (actions, crypto-monnaies) que l’on ne comprend pas parfaitement.
- — Cadre juridique et fiscal personnel : un statut d’étudiant, de salarié, de freelance ou d’entrepreneur change complètement la donne.
Un tableau simple peut aider à structurer cette réflexion avant de suivre un conseil d’investissement :
| Conseil envisagé (ex: « Investir en bourse ») | Ma situation | Mes questions / Étapes avant d’agir |
|---|---|---|
| — Canal de l’influenceur X | — Je n’ai pas d’épargne de précaution | — 1. Constituer 3 mois de dépenses sur un compte sécurisé first. |
| — Promet un rendement Y% | — Je ne connais pas la bourse | — 2. Suivre un cours de base sur l’investissement actions. |
| — Nécessite un capital Z TND | — Mon horizon est de 2 ans pour un mariage | — 3. Consulter un conseiller bancaire pour un produit adapté à mon horizon. |
Argument 5 : Cultiver une méfiance active face aux promesses de gains rapides et faciles
Le monde de la finance en ligne est fertile en arnaques et schémas douteux. Les influenceurs, sous la pression de produire du contenu attractif, peuvent parfois, volontairement ou non, minimiser les risques. Une saine méfiance est la meilleure alliée de l’investisseur débutant, d’autant plus que les autorités tunisiennes montrent une vigilance accrue sur certains contenus en ligne[citation:3].
Exemples de signaux d’alerte à ne jamais ignorer :
- — Les promesses de rendements exceptionnels, garantis et réguliers avec peu ou pas de risque.
- — La pression à agir vite pour « ne pas rater l’opportunité du siècle ».
- — Les schémas qui ressemblent à du recrutement en pyramide (on gagne plus en recrutant des membres qu’en utilisant le produit lui-même).
- — Les influenceurs qui poussent à investir dans des actifs très volatils et complexes (crypto-monnaies spécifiques, forex) sans en expliquer clairement les dangers.
- — Le manque de transparence totale sur les frais, les coûts cachés ou les modalités de sortie de l’investissement.
- — Les cas avérés où des influenceurs tunisiens ont eu des démêlés judiciaires, rappelant que suivre un conseil illégal ou « aux limites » peut entraîner des conséquences pour l’abonné[citation:3].
Argument 6 : Utiliser des outils numériques pour mettre en pratique, tester et suivre ses progrès
Passer de la théorie à la pratique est l’étape clé. Heureusement, de nombreux outils numériques permettent d’appliquer, de simuler et de contrôler la mise en œuvre des conseils reçus, sans engager son capital immédiatement ou de façon irréversible. Cette approche pragmatique transforme l’apprentissage passif en expérience active et formatrice.
Exemples d’outils et de méthodes pour concrétiser l’apprentissage :
- — Applications de budgétisation (comme Wallet, Money Manager) pour mettre en place un budget conseillé et suivre ses dépenses.
- — Simulateurs d’investissement ou comptes de démonstration sur des plateformes de trading pour s’entraîner sans risque avec de l’argent virtuel.
- — Tableurs en ligne (Google Sheets, Excel) pour créer son propre tableau de suivi net worth, de ses dettes ou de son plan d’épargne.
- — Alertes prix et outils de comparaison pour appliquer des conseils d’achat malin ou de comparaison de produits financiers.
- — Plateformes d’éducation financière interactive qui proposent des parcours d’apprentissage avec quiz et cas pratiques.
- — Participation à des challenges d’économie ou d’investissement en groupe, parfois organisés par des communautés en ligne, pour rester motivé et apprendre des pairs.
En conclusion
suivre les conseils financiers des influenceurs tunisiens peut être un excellent point de départ pour s’éduquer et s’inspirer, à condition d’y apporter un cadre méthodologique rigoureux. Cela passe par une vérification systématique de la crédibilité des sources, un croisement impératif des informations, une adaptation sans concession à sa situation personnelle et une méfiance salutaire envers les miracles financiers. L’objectif ultime pour le jeune Tunisien doit être de s’approprier ces connaissances pour bâtir, pas à pas, sa propre autonomie financière, en faisant des réseaux sociaux un outil d’éveil et non une source unique de vérité. La prudence, illustrée par le contexte réglementaire tunisien[citation:3], et la proactivité, encouragée par un écosystème entrepreneurial dynamique[citation:4], sont les deux piliers de cette démarche.
