La question du « roi des concerts » à Ouagadougou est un sujet passionnant qui anime les débats dans la capitale burkinabè. Contrairement à une monarchie avec un seul souverain, la scène musicale ouagalaise est plutôt un empire avec plusieurs seigneurs influents, chacun régnant sur un pan spécifique de la culture musicale.
Pour y répondre de manière approfondie, il ne s’agit pas de désigner une seule personne, mais d’identifier les artistes qui, par leur maîtrise scénique, leur capacité de mobilisation et leur impact culturel, peuvent prétendre à ce titre. L’analyse se basera sur des critères clairs : la longévité et la consistance, la capacité à remplir des salles, la performance scénique et l’impact socio-culturel.
Voici une analyse détaillée des prétendants au trône.
Introduction : La Scène Musicale de Ouagadougou, un Terrain de Jeu Exigeant
Ouagadougou, capitale culturelle du Burkina Faso, est réputée pour son public exigeant et passionné. Un bon artiste en studio peut être un roi sur scène. Le « roi des concerts » est donc celui qui transcende la simple prestation musicale pour offrir un spectacle total, une expérience collective inoubliable. Il doit maîtriser l’art de la scène, créer une communion avec son public et posséder un répertoire capable de mobiliser les foules, des jeunes aux moins jeunes.
Le Prétendant Légitime : Smarty, l’Incontestable « Roi du Rap »
S’il faut nommer un artiste qui incarne le plus unanimement le titre de « roi des concerts » dans le domaine du hip-hop, et peut-être même au-delà, c’est bien Smarty.
Arguments Solides :
- Longévité et Consistance Impeccables : Smarty est présent depuis les balbutiements du rap burkinabè dans les années 90. Contre vents et marées, il a maintenu une présence scénique active, évoluant sans jamais disparaître. Sa carrière n’est pas faite de pics et de creux, mais d’une ligne continue de succès et de respect.
- Maître dans l’Art de la Scène : Un concert de Smarty est bien plus qu’une succession de chansons. C’est un spectacle rodé. Il maîtrise le flow, la présence scénique, l’interaction avec le public et la gestion de l’énergie. Il sait quand faire monter la pression avec des titres engagés comme « À qui de droit » et quand créer une communion avec des hymnes comme « Poko Poko » ou « L’or n’a pas d’odeur« .
- Capacité de Mobilisation Exceptionnelle : Smarty est l’un des rares artistes burkinabè à pouvoir remplir la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC), une salle mythique de Ouaga, sans besoin d’une tête d’affiche internationale. Son public est fidèle, traversant toutes les générations, des premiers fans aux plus jeunes.
- Impact Culturel et Répertoire Ancré : Ses textes, souvent socialement engagés, résonnent profondément avec la réalité burkinabè. Chanter ses morceaux en concert est un acte cathartique pour son public. Il n’est pas seulement un entertainer, il est une voix.
Exemple concret : Son concert « Smarty & The Legendary Musicians » à la MJC ou à l’Institut Français du Burkina (IFB) sont des événements quasi-institutionnels. Ils démontrent sa capacité à orchestrer un grand spectacle avec une section de musiciens live, alliant rap et sonorités africaines, ce qui élève son art à un autre niveau.
Le Phénomène de la Nouvelle Génération : Yéli Zombie, le « Game Changer »
Si Smarty est le roi établi, Yéli Zombie est le prince qui a conquis le royaume à une vitesse fulgurante et a redéfini les règles du jeu.
Arguments Solides :
- Innovation Musicale et Énergie Pure : Yéli Zombie a apporté un son nouveau, un rap plus mélodique et directement dansant, influencé par le afrobeats et le trap. Son énergie sur scène est électrisante, juvénile et contagieuse.
- Connection Unique avec la Jeunesse : Il représente et parle directement à la génération Z et aux jeunes adultes. Ses textes sur l’amour, la fête et l’ambition (« Rien à prouver ») captent l’état d’esprit de cette jeunesse.
- Records de Vues et de Mobilisation Rapide : Avant même de dominer les scènes, Yéli Zombie a conquis internet. Ses clips cumulent des millions de vues, créant une base de fans immense et ultra-connectée qui se déplace en masse pour le voir en live.
- Tête d’Affiche de Grands Festivals : Il est devenu incontournable dans les grands festivals comme le Waga Hip Hop Fest ou le Jazz à Ouaga. Sa performance est souvent citée comme l’un des points d’orgue de ces événements, capable de rivaliser en termes d’engouement avec des têtes d’affiche internationales.
Exemple concret : Son concert #YeliZombieLive à la MJC a montré sa maturité scénique. Il a su transformer ses succès digitaux en une expérience live intense, prouvant qu’il n’était pas qu’un phénomène internet, mais un véritable performeur.
Le Monument de la Musique Moderne : Floby, le « Hitmaker » Adoré
Floby opère dans un registre différent (couper-décaler, afro-pop) mais son impact sur les concerts est tel qu’il ne peut être ignoré dans cette discussion.
Arguments Solides :
- Le Répertoire de « Tubes » Le Plus Étendu : Floby est un machine à hits. Presque toutes ses chansons deviennent des hymnes nationaux (« Momo« , « S’il vous plaît« , « Zorro« , « Sofia« ). Dans un concert, cela se traduit par une succession ininterrompue de morceaux que tout le monde chante à tue-tête.
- L’Artiste du « Party » et de la Fête : Son concert est une garantie de bonne humeur et de danse. Il incarne l’espfestif de Ouaga. Sa musique est accessible, joyeuse et rassembleuse, au-delà des clivages sociaux ou d’âge.
- Capacité à Remplir des Espaces : Tout comme Smarty, Floby a la cote pour remplir des salles de grande capacité. Son public est massif et son nom seul est une promesse de spectacle réussi.
- Showmanship : Il a su professionnaliser son approche du concert. Ses prestations sont bien calibrées, avec des chorégraphies, des changements de costume et une mise en scène soignée qui en font un spectacle complet.
Exemple concret : Un concert de Floby à l’Hôtel de Ville de Ouagadougou ou lors d’un grand événement comme le FESPACO est une fête populaire géante. La foule scande chaque parole, créant une atmosphère unique de communion collective.
Le Roi dans l’Ombre : Black So Man, le Géant du Reggae
Pour être complet, il faut mentionner un genre et un artiste qui, bien que dans un style plus niche, règne en maître absolu sur sa scène : Black So Man pour le reggae.
Arguments Solides :
- Maître d’un Genre Roi : Le reggae a une place sacrée au Burkina Faso. Black So Man en est la figure la plus respectée et la plus constante depuis des décennies.
- Fidélité et Ferveur de son Public : Son public, peut-être moins médiatisé que celui des rappeurs ou de Floby, est d’une fidélité et d’une ferveur religieuse. Ses concerts sont des rituels, des moments de recueillement et de messages.
- Prestation Scénique Charismatique et Authentique : Sa présence sur scène est imposante et paisible à la fois. Il incarne les valeurs dont il chante : le combat, la justice, l’amour. Cette authenticité renforce le lien quasi-mystique avec son public.
- Pilier des Grands Événements : Aucun grand festival de reggae ou événement culturel majeur à Ouagadougou ne se conçoit sans lui. Il est une institution à part entière.
Exemple concret : Lors du Festival International de la Musique et de la Culture Reggae (FIMUCREG) ou de ses propres productions, Black So Man attire une foule immense et dévouée. Son concert est bien plus qu’un divertissement ; c’est une expérience spirituelle et militante pour ses fans.
Conclusion : Un Trône à Plusieurs Couronnes
En définitive, désigner un seul « roi des concerts à Ouaga » est réducteur. La richesse de la scène musicale burkinabè réside dans sa diversité et la coexistence de ces talents suprêmes.
- Si l’on cherche l’institution, le roi dont le règne est incontesté par sa longévité, sa maîtrise scénique et son impact culturel profond, alors Smarty est le souverain.
- Si l’on parle du phénomène générationnel qui a révolutionné la scène et captive la jeunesse avec une énergie brute, alors Yéli Zombie est le prince devenu roi.
- Si l’on considère l’artiste de la fête populaire, celui dont le simple nom garantit une soirée de hits et de danse ininterrompue, alors Floby mérite la couronne.
- Enfin, dans le royaume très spécifique mais immense du reggae, Black So Man règne en maître absolu et respecté.
Ainsi, Ouagadougou n’a pas un roi, mais un panthéon d’artistes exceptionnels qui, chacun à leur manière, méritent le titre de « roi des concerts » selon le critère que l’on privilégie. Le véritable gagnant, in fine, est le public ouagalais, qui bénéficie de cette incroyable richesse artistique.
