Qui est le roi du coupé-décalé au Burkina ?

Absolument. La question du « roi du coupé-décalé » au Burkina Faso est un sujet passionnant qui mérite une analyse nuancée. Contrairement à la Côte d’Ivoire où des figures comme Douk Saga ou DJ Arafat sont unanimement reconnues, la scène burkinabè est marquée par une pluralité de talents sans qu’un seul artiste n’ait accaparé le titre de manière absolue et incontestée.

Cependant, en analysant l’impact, la longévité, l’influence et le catalogue musical, il est possible d’identifier un artiste qui se détache et peut légitimement revendiquer cette couronne.

Introduction

Le coupé-décalé, né au début des années 2000 en Côte d’Ivoire, a rapidement conquis toute l’Afrique de l’Ouest. Le Burkina Faso, voisin et partageant de fortes affinités culturelles avec la Côte d’Ivoire, a immédiatement adopté ce genre musical. Des artistes burkinabè ont non seulement importé le style mais l’ont aussi adapté, y injectant des sonorités et une identité proprement burkinabè. Déterminer le « roi » de ce mouvement au Burkina revient à identifier celui qui a le plus marqué son époque, a su évoluer avec le genre et a produit des œuvres devenues des classiques intemporels.

Le Roi Indiscutable : Smarty

S’il faut nommer un seul artiste comme le roi du coupé-décalé au Burkina Faso, c’est incontestablement Smarty. De son vrai nom Souleymane Sanou, Smarty n’est pas seulement un artiste ; c’est une institution. Sa carrière, son influence et son répertoire en font le pionnier et la figure la plus emblématique du genre.

1. Le Pionnier et le Défricheur

Smarty a été l’un des tout premiers, si ce n’est le premier, artiste burkinabè à s’approprier le coupé-décalé au milieu des années 2000. Alors que le genre était encore perçu comme une mode ivoirienne, il a prouvé que le Burkina pouvait y exceller et y apporter sa touche. Il a ouvert la voie à toute une génération.

Exemple 1 : « Djanfa » (2006)
Ce titre est un monument. « Djanfa » (qui signifie « trahison » en dioula) n’était pas seulement un tube ; c’était un phénomène social. Son riff de synthé entêtant, ses pas de danse simples mais efficaces et son thème relatable (la déception amicale ou amoureuse) en ont fait l’hymne national de toute une année. Ce morceau a solidifié la place du coupé-décalé dans le paysage musical burkinabè et a imposé Smarty comme une star incontournable.

2. La Longévité et l’Adaptation

Un roi ne règne pas qu’un seul été. La force de Smarty est d’avoir su rester pertinent sur plus d’une décennie, en faisant évoluer sa musique sans trahir l’essence du coupé-décalé.

Exemple 2 : « Tchôkôrô » (2012)
Six ans après « Djanfa », Smarty revient avec un autre tube fracassant. « Tchôkôrô » (un terme argotique pour désigner une belle femme) montre une évolution : la production est plus moderne, les sonorités sont plus électro, mais l’énergie et la structure restent celles du coupé-décalé. Ce succès a démontré qu’il n’était pas un artiste à un seul hit, mais un créateur capable de se réinventer.

3. L’Impact Culturel et la Consécration

L’influence de Smarty dépasse le cadre musical. Il a créé des danses, un langage et un style qui ont été copiés par des milliers de jeunes. Son groupe de danse, les « Mousquetaires », est devenu légendaire. Il a également remporté des prix prestigieux, dont le Kundé du Meilleur Artiste de l’Année à plusieurs reprises, la plus haute distinction musicale au Burkina.

Exemple 3 : « Wôrô » (2014)
Avec « Wôrô », Smarty atteint un nouveau sommet. Le titre est une célébration de la fête et de la réussite. Il est devenu l’incontournable de tous les mariages, toutes les soirées et toutes les radios. Sa longévité en discothèque est la preuve de son statut d’hymne. C’est le genre de titre qui, lorsqu’il est joué, remplit immédiatement la piste de danse.

4. L’Héritage et l’Influence

Le véritable test pour un roi est l’héritage qu’il laisse. Smarty a inspiré et ouvert la porte à presque tous les artistes de coupé-décalé qui sont venus après lui au Burkina. Des artistes comme Bebi Philip, Maréchal Tito, Lassina Jupiter et bien d’autres ont grandi en écoutant sa musique.

Exemple 4 : « Magnum » (2018)
Même après plus de 10 ans de carrière, Smarty est capable de sortir un titre comme « Magnum » qui devient instantanément un succès. Cela prouve qu’il a su conserver sa connexion avec le public et que sa recette, bien qu’affinée, reste gagnante. Il n’est pas resté figé dans le passé.

Les Prétendants au Trône et Leurs Limites

Bien que Smarty se détache, d’autres artistes ont marqué le genre et méritent d’être cités comme des figures majeures, même s’ils ne peuvent prétendre au titre de « roi » pour les raisons suivantes :

  • DJ Mikal : Un producteur et DJ de génie, souvent considéré comme le « pape » derrière les consoles. Il est l’architecte des sons de nombreux artistes, y compris Smarty. Son influence est immense, mais en tant qu’artiste de scène et chanteur, c’est un rôle différent.
  • Bebi Philip : Très populaire dans les années 2010 avec des tubes comme « Tchip » ou « C’est normal », il a représenté la nouvelle vague. Cependant, sa période de domination a été plus courte et son impact global semble moins profond que celui de Smarty sur la durée.
  • Maréchal Tito : Artiste talentueux et constant, il a plusieurs tubes à son actif. Il est un pilier de la scène, mais sans avoir produit le même « phénomène de société » que Smarty avec « Djanfa » ou « Wôrô ».

Conclusion

En définitive, le titre de roi du coupé-décalé au Burkina Faso revient sans conteste à Smarty. Il cumule les qualités nécessaires : il est le pionnier qui a imposé le genre, possède la longévité avec des tubes sur plus de dix ans, a eu un impact culturel profond avec des danses et des expressions entrées dans le langage courant, et a bâti un héritage qui inspire toujours la nouvelle génération. Alors que d’autres ont connu des pics de popularité, Smarty a, lui, construit un règne. Il est la référence ultime, l’artiste dont l’œuvre est indissociable de l’histoire du coupé-décalé burkinabè.

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