Il est important de noter que le terme « rois » peut être interprété de différentes manières : il peut s’agir de promoteurs immobiliers visibles, d’investisseurs discrets mais puissants, ou d’institutions qui façonnent le marché. Cette réponse couvrira ces différentes facettes.
Introduction
Le marché immobilier de Ouagadougou, en pleine expansion du fait de l’urbanisation rapide et de la croissance économique, est un écosystème dynamique et concurrentiel. Contrairement à d’autres capitales où quelques noms emblématiques dominent la skyline, le paysage à Ouagadougou est plus fragmenté. Les « rois » de l’immobilier sont souvent un mélange de promoteurs privés audacieux, d’investisseurs institutionnels puissants et de fortunes personnelles bâties dans d’autres secteurs et réinvesties dans la pierre. Identifier ces acteurs requiert d’analyser à la fois leur visibilité médiatique, leur portefeuille de biens et leur impact sur la transformation de la ville.
1. Les Promoteurs Immobiliers Institutionnels et les Grands Investisseurs
Cette catégorie regroupe les acteurs qui ont les moyens de lancer des projets d’envergure, de type résidentiels, commerciaux ou de bureaux, et qui opèrent de manière structurée.
Exemple 1 : La Société Immobilière du Burkina (SIB)
- Arguments et Preuves : La SIB est incontestablement un géant, bien que son rôle ait évolué. Créée par l’État, elle a été pendant des décennies le principal acteur du logement social et des programmes immobiliers publics. Même après son ouverture au capital privé, elle reste un acteur majeur.
- Projets d’envergure : La SIB est derrière la réalisation de plusieurs milliers de logements à travers le pays, dont des cités célèbres comme la Cité ANVT (Association Nationale des Villes du Terroir). Son portefeuille et son savoir-faire technique sont inégalés dans le secteur public.
- Impact sur le marché : Elle fixe souvent les standards et les prix pour les programmes de logement aidé ou moyen. Ses projets, même s’ils sont parfois critiqués pour leur lenteur, restent structurants pour l’étalement urbain de Ouagadougou.
Exemple 2 : Groupe CoplAmadia / Georges Yoda
- Arguments et Preuves : Le Groupe CoplAmadia, dirigé par l’homme d’affaires et ancien ministre Georges Yoda, est un parfait exemple d’un conglomérat diversifié qui a fait de l’immobilier un axe stratégique.
- Projets emblématiques : Le groupe est propriétaire de Ouaga 2000, un ensemble de villas haut de gamme qui a donné son nom à tout un quartier diplomatique et résidentiel prestigieux. Ils sont également derrière des projets comme Residence La Rose et d’autres immeubles de standing.
- Stratégie et influence : Leur force réside dans leur capacité à développer des zones entières, attirant ambassades et résidents aisés. Ils ne se contentent pas de construire des bâtiments ; ils créent des écosystèmes résidentiels qui valorisent considérablement le foncier.
2. Les Promoteurs Privés « Low Profile » mais Puissants
Ces acteurs sont moins médiatiques mais contrôlent des patrimoines immobiliers considérables, souvent acquis et développés sur plusieurs décennies.
Exemple 3 : La Famille Ouédraogo (FMO) et assimilés
- Arguments et Preuves : Il serait réducteur de nommer une seule personne. Il s’agit plutôt de familles ou d’individus ayant bâti leur fortune dans le commerce, l’industrie ou la politique, et pour qui l’immobilier est à la fois un placement sûr et un générateur de revenus.
- Patrimoine foncier historique : Ces familles possèdent souvent de vastes terrains hérités dans des quartiers aujourd’hui centraux et très valorisés (Gounghin, Koulouba, Centre-ville). Leur puissance ne se mesure pas aux nouvelles constructions, mais à la location de maisons, de magasins et d’entrepôts, générant des revenus constants et élevés.
- Opérations discrètes : Leurs transactions se font rarement via des agences immobilières classiques, mais par réseaux et notaires. Leur « royauté » est discrète mais profondément enracinée dans l’histoire économique de la ville. Des noms comme El Hadj Goungbé (décédé) et sa famille sont souvent cités dans ce cercle pour leur patrimoine colossal, bien que les détails restent privés.
Exemple 4 : Les Investisseurs de la Diaspora et les Nouvelles Fortunes
- Arguments et Preuves : Avec la mondialisation, une nouvelle catégorie d’investisseurs est apparue.
- Financement extérieur : De nombreux Burkinabè de la diaspora, ayant réussi en Europe ou en Amérique, investissent massivement dans l’immobilier à Ouagadougou, soit pour leur retraite, soit comme investissement locatif. Ils financent souvent la construction de villas ou d’immeubles à appartements de moyen et haut de gamme dans des quartiers en vogue comme Patte d’Oie, Bassinko ou Tampouy.
- Promoteurs émergents : Des entrepreneurs ayant fait fortune dans les télécoms, la grande distribution, ou les BTP (Bâtiment et Travaux Publics) se lancent dans la promotion immobilière. Une société comme Bâti Plus, liée au groupe de BTP de Moussa Kaboré, est un exemple de cette nouvelle génération qui applique des méthodes de gestion modernes à des projets résidentiels et hôteliers.
3. Les Acteurs Spécialisés et les Faiseurs de Villes
Au-delà des individus, certaines entités jouent un rôle de « roi » en modelant directement l’environnement urbain.
Exemple 5 : L’Église Catholique (et dans une moindre mesure la Fédération des Églises et Missions Évangéliques – FEME)
- Arguments et Preuves : L’Église Catholique, à travers l’Archidiocèse de Ouagadougou, est l’un des plus grands propriétaires fonciers de la ville.
- Patrimoine historique et stratégique : Elle possède de vastes terrains autour de ses cathédrales, églises, écoles et couvents, souvent situés en cœur de ville. Bien que cet actif ne soit pas destiné à la spéculation, sa valeur est inestimable et son influence sur l’occupation de l’espace est majeure.
- Développement : L’Église est aussi un promoteur, construisant des centres de conférence, des écoles et des logements pour son personnel, participant activement à la structuration de certains quartiers.
Exemple 6 : L’Agence des Villes Nouvelles (AVN) – Pour la Zone du Pôle Urbain de Dassasgho
- Arguments et Preuves : Bien qu’étatique, l’AVN mérite une mention spéciale car elle est littéralement en train de « faire une ville » nouvelle en périphérie de Ouagadougou.
- Mission et pouvoir : Son mandat est la planification, l’aménagement et la commercialisation de vastes zones (plus de 1600 hectares) pour créer un nouveau pôle urbain. Elle ne construit pas elle-même, mais elle vend des parcelles viabilisées à des promoteurs et des particuliers.
- Influence future : L’AVN est un « roi régulateur » et un « faiseur de ville ». Ses décisions en matière de lotissement, de prix et d’infrastructures vont déterminer le visage et la valeur immobilière d’une partie importante de l’agglomération pour les décennies à venir.
Conclusion
Il n’existe pas un unique « roi de l’immobilier » à Ouagadougou, mais plutôt une monarchie partagée et stratifiée. Le pouvoir est réparti entre :
- L’État et ses démembrements (SIB, AVN) qui définissent les règles et lancent des projets structurants.
- Les grands groupes privés (CoplAmadia, Bâti Plus) qui dominent le marché du haut de gamme et des projets intégrés.
- Les fortunes familiales historiques qui détiennent un patrimoine locatif immense et discret.
- Les nouveaux investisseurs (diaspora, entrepreneurs) qui dynamisent le marché avec des capitaux frais et des modèles innovants.
La « couronne » est donc multiple. Elle appartient à ceux qui, par leur capital, leur influence ou leur vision, sont capables de transformer le foncier en ville et de façonner durablement le visage de Ouagadougou. Le paysage est en constante évolution, laissant présager l’émergence de nouveaux « souverains » dans les années à venir.
