Quels hommes d’affaires dominent l’économie burkinabè ?

Introduction

L’économie du Burkina Faso, bien que restant largement agricole et informelle, est structurée autour de pôles d’influence dans des secteurs clés tels que les mines, l’agro-industrie, les BTP (Bâtiments et Travaux Publics), la distribution et les services. La domination économique est moins le fait d’individus isolés que de familles ou de groupes qui ont su capitaliser sur les opportunités historiques, les relations politiques et l’accès aux financements. Cette analyse se penche sur ces acteurs majeurs, en explicitant les sources de leur influence et leur impact sur le tissu économique national.

1. Les Pionniers et les Empires Familiaux Historiques

Ces groupes ont bâti leur fortune sur plusieurs générations, souvent à partir de la colonisation ou des premières années de l’indépendance. Leur force réside dans la diversification et un ancrage profond dans le tissu économique local.

Exemple 1 : La Famille Kafando et le Groupe K (K fils)

Sans conteste l’un des empires économiques les plus anciens et les plus discrets du Burkina.

  • Secteurs de domination : Agro-industrie, distribution, immobilier, BTP, pharmacie.
  • Sources de leur influence :
    • Histoire et diversification : Le patriarche, feu Jean Kafando, a bâti le groupe à partir d’un commerce de bétail et de céréales. La famille a su se diversifier de manière stratégique dans des secteurs essentiels et rentables.
    • Marques omniprésentes : Ils contrôlent la SOCOB (Société Commerciale du Burkina), qui distribue des produits de grande consommation (comme l’huile d’arachide « Ô Mère de Famille »), et la SHB (Société des Huileries du Burkina). Ils sont également derrière la société de BTP SOCOBTP et possèdent des intérêts majeurs dans l’agence de voyage et le fret Africa Mondo.
    • Ancrage local : Leur force est d’avoir construit un réseau de distribution et de production qui touche directement le consommateur burkinabè, des produits alimentaires de base aux matériaux de construction.

Exemple 2 : La Famille Tapsoba et le Groupe TAN ALAZAR

Une autre dynastie économique burkinabè, particulièrement influente dans le secteur de l’automobile et des services.

  • Secteurs de domination : Importation automobile, hydrocarbures, agro-industrie, médias.
  • Sources de leur influence :
    • Partenariats stratégiques : Le groupe est le distributeur historique de marques automobiles japonaises de renom (Toyota, Mitsubishi) au Burkina Faso via TAN Toyota. Ce quasi-monopole sur des marques populaires lui assure des revenus considérables.
    • Diversification intelligente : Comme le Groupe K, ils ont étendu leurs activités à la distribution de carburants (Station Shell), à l’agro-industrie (minoterie) et même aux médias (la télévision privée BF1).
    • Réseau et longévité : Leur longévité dans le paysage économique leur a permis de tisser un réseau solide avec les administrations et les autres acteurs économiques.

2. Les Nouveaux Magnats : Mines, BTP et Télécoms

Cette catégorie regroupe des entrepreneurs qui ont profité des politiques de libéralisation économique et du boom des industries extractives depuis les années 2000.

Exemple 3 : Mahamadou Bonkoungou et le Groupe EBOMAF

C’est l’exemple parfait du nouvel entrepreneur burkinabè ayant connu une ascension fulgurante, principalement dans le BTP et l’aviation.

  • Secteurs de domination : BTP (Bâtiments et Travaux Publics), aviation, logistique.
  • Sources de son influence :
    • Contrats publics majeurs : EBOMAF est devenu un acteur incontournable du BTP ouest-africain, remportant d’énormes contrats d’infrastructures, notamment au Burkina Faso (construction de ponts, routes) et dans d’autres pays de la sous-région (Côte d’Ivoire, Mali).
    • Vision régionale : Bonkoungou a su positionner son groupe comme un champion régional, au-delà des frontières du Burkina. Son projet de « Pont de l’Amitié » entre le Burkina et le Ghana l’a rendu très visible.
    • Diversification rapide : Il a étendu ses activités au transport aérien avec la création de la compagnie Air Burkina (dont il a été un actionnaire majoritaire pendant un temps) et d’EBOMAF Airways, lui permettant de contrôler une partie de la chaîne logistique.

Exemple 4 : Brahima Sidibé et le Groupe IBS (Industrial Business Systems)

Un entrepreneur qui a bâti son empire en tirant parti des opportunités dans le secteur minier, crucial pour l’économie burkinabè.

  • Secteurs de domination : Services miniers, logistique, énergie, informatique.
  • Sources de son influence :
    • Spécialisation dans un secteur clé : Le Burkina Faso est devenu un producteur d’or important. Le Groupe IBS fournit des services essentiels et hautement spécialisés aux compagnies minières : forage, fourniture d’explosifs, logistique sur site, énergie.
    • Expertise technique : Contrairement à d’autres, l’influence de Sidibé repose sur la maîtrise de technologies et de services complexes que les mines internationales externalisent. Cela lui confère un avantage concurrentiel décisif.
    • Partenaire privilégié : Son groupe est un partenaire de fait pour la plupart des grandes mines opérant dans le pays (Iamgold, Endeavour Mining, etc.), ce qui le place au cœur de l’économie réelle et génératrice de devises.

3. Les Acteurs Indirects mais Puissants : La Diaspora et les Investisseurs Étrangers

Il serait incomplet de ne pas mentionner deux acteurs qui « dominant » l’économie sans être nécessairement des individus identifiables.

  • La Diaspora Burkinabè : Par les transferts d’argent (qui représentent une part significative du PIB), la diaspora est un financeur majeur de l’économie. Elle influence directement le secteur immobilier (construction de logements), le commerce et les petites entreprises par le financement de projets familiaux.
  • Les Investisseurs Étrangers (notamment Libanais et Français) : Des communautés étrangères, notamment libanaise, sont présentes depuis des décennies et contrôlent une part importante du commerce de détail, de l’import-export, de l’hôtellerie et de l’industrie. Des groupes français comme Bolloré (via SDV, leader de la logistique) ou Eiffage (BTP) sont également des acteurs majeurs dans leurs secteurs respectifs.

Conclusion

L’économie burkinabè est donc dominée par un paysage composite. On y trouve des empires familiaux historiques (Kafando, Tapsoba) dont la force est l’ancrage local et la diversification ; des nouveaux magnats (Bonkoungou, Sidibé) qui ont surfé sur la vague des infrastructures et des mines ; et des acteurs diffus mais puissants comme la diaspora et les investisseurs étrangers.

Il n’existe pas un homme d’affaires tout-puissant, mais plutôt un écosystème de réseaux où l’influence se construit sur la longévité, l’accès aux contrats publics et la capacité à se positionner dans les secteurs les plus dynamiques de l’économie (mines, BTP, agro-industrie). La particularité burkinabè reste la relative discrétion de ces acteurs, qui opèrent souvent en dehors des feux des projecteurs médiatiques.

Retour en haut