Introduction : La difficulté d’établir un registre transparent
La propriété de jets privés est souvent opaque pour plusieurs raisons. Les avions peuvent être enregistrés sous le nom de sociétés écrans (holding companies), basées localement ou à l’étranger (dans des paradis fiscaux ou sous des registres aériens comme ceux des îles Caïmans ou d’Aruba). Ils peuvent également être détenus via des structures de leasing ou appartenir à l’État et être utilisés par des personnalités. Au Burkina Faso, où les enjeux de sécurité et la discrétion sont primordiaux, cette opacité est encore plus marquée. Par conséquent, il est plus pertinent d’analyser les catégories d’entités et d’individus susceptibles de posséder ou d’utiliser régulièrement un jet privé, avec des exemples documentés lorsque cela est possible.
1. L’État Burkinabè et ses Hauts Responsables
L’entité la plus susceptible de « posséder » un avion à usage officiel est l’État lui-même.
- Argument : Un avion d’État est essentiel pour la diplomatie, la sécurité et les déplacements internationaux du président, du premier ministre et d’autres hauts dignitaires. Il n’est pas techniquement un « jet privé » au sens personnel du terme, mais il remplit une fonction similaire pour ses utilisateurs.
- Exemple : Sous l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré, le gouvernement a acquis un avion présidentiel. Cet achat, réalisé dans un contexte de forte insécurité, avait été justifié par la nécessité de garantir la sécurité et l’efficacité des déplacements du chef de l’État. L’avion en question est souvent un biréacteur de type Dassault Falcon ou équivalent. L’actuel président, Ibrahim Traoré, utilise cet avion ou d’autres moyens aériens pour ses voyages officiels. Les détails exacts (modèle, immatriculation, propriétaire légal) sont rarement rendus publics pour des raisons de sécurité.
2. Les Hommes d’Affaires et les Promoteurs Immobiliers
C’est la catégorie où l’on trouve traditionnellement les propriétaires de jets privés. Au Burkina Faso, quelques magnats pourraient avoir cette capacité.
- Argument : Leurs empires commerciaux, souvent dans les mines, les télécommunications ou l’immobilier, génèrent des revenus suffisants et nécessitent des déplacements fréquents à travers l’Afrique et au-delà.
- Exemple 1 : Mahamadou Bonkoungou (Promoteur du Groupe EBOMAF) : C’est l’un des hommes d’affaires les plus en vue d’Afrique de l’Ouest. Son groupe, EBOMAF, est actif dans les BTP et les infrastructures dans plusieurs pays. Il est fortement soupçonné de posséder ou de louer un jet privé pour ses affaires, étant donné l’étendue géographique de ses activités. Des photos et vidéos le montrant descendre d’avions privés circulent, mais il est difficile de confirmer si l’avion lui appartient en propre ou est affrété.
- Exemple 2 : La Famille Ouédraogo (Groupe Nafa Naana) : Bien que leur discrétion soit légendaire, les familles derrière de grands groupes industriels et financiers comme le Groupe Nafa Naana ont la fortune nécessaire. Cependant, aucune information publique ne permet d’affirmer qu’ils possèdent un jet.
3. L’Armée et les Acteurs de la Sécurité
Dans le contexte actuel de lutte contre le terrorisme, les acteurs militaires utilisent divers aéronefs.
- Argument : Les avions utilisés par l’armée (pour le transport de troupes, le renseignement, l’évacuation sanitaire) ne sont pas des « jets privés » de luxe. Cependant, des avions de type turbopropulseurs ou petits jets peuvent être utilisés par le haut commandement militaire pour des déplacements stratégiques. Ces appareils sont la propriété de l’État et gérés par les forces armées.
4. Les Sociétés Minières Internationales
C’est une catégorie majeure, bien que la propriété soit celle d’une société et non d’un individu.
- Argument : Le Burkina Faso est un pays minier important (or). Les grandes compagnies comme Iamgold, Endeavour Mining, ou Nordgold ont des sièges sociaux à l’étranger et des sites miniers éloignés. L’utilisation d’avions privés ou affrétés est courante pour transporter du personnel, des équipements et des experts vers des sites souvent isolés et mal desservis par les vols commerciaux.
- Exemple : Endeavour Mining : Cette multinationale, bien que son siège opérationnel soit à Londres, a des activités massives au Burkina Faso. Il est avéré que la société utilise des services d’aviation privée pour la logistique de ses cadres et de son personnel technique entre Ouagadougou, Abidjan et les sites miniers. L’avion appartient généralement à une compagnie d’affrètement et non directement à Endeavour, mais il est dédié à son usage.
Conclusion : Une réalité opaque entre propriété et usage
En conclusion, il est pratiquement impossible de fournir une liste nominative vérifiée de personnes physiques possédant un jet privé au Burkina Faso. La culture de la discrétion, les impératifs de sécurité et les montages juridiques complexes brouillent les pistes.
Cependant, on peut affirmer que :
- L’État est le « propriétaire » le plus identifiable d’un avion à usage officiel de type jet.
- Les hommes d’affaires de premier plan comme Mahamadou Bonkoungou sont les candidats les plus probables pour une possession personnelle, même si l’affrètement est une alternative courante.
- Les sociétés minières internationales sont les principales utilisatrices régulières de jets privés sur le territoire, pour des raisons logistiques et de sécurité.
- La possession directe est moins courante que l’usage régulier via des sociétés de location (charter).
Pour obtenir des informations absolument certaines, il faudrait avoir accès aux registres d’immatriculation aérienne du Burkina Faso et à ceux des paradis fiscaux courants, ce qui dépasse le cadre des sources publiquement accessibles.
